[Polémiques] Etre honnête avec Franck Ferrand

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Franck Ferrand au Salon du livre de Paris, le 29 mars 2010. © Okki / Wikimedia Commons

Après avoir été extrêmement critique sur Franck Ferrand dans plusieurs articles précédents, il est temps, de faire un petit mea culpa vis-à-vis du présentateur, au moins pour ce qui est de son émission télévisée L’ombre d’un doute. En effet, il y a quelques jours, le 8 janvier 2014, j’ai eu l’occasion de voir le dernier numéro de l’émission consacré à Florence [1]. Par curiosité, j’ai pris sur mon temps de détente télévisuelle pour vérifier si Franck Ferrand était aussi contestable à ce moment qu’il peut souvent l’être ailleurs. Et bien je peux dire que j’ai été agréablement surpris. Tellement que j’en ai tweeté un message à Franck Ferrand [2].

Il faut toutefois chercher à comprendre le pourquoi de ce revirement ? Aurait-il relu ses classiques historiographiques, trouver de l’intelligence dans un ces derniers ou arrêter de souscrire à la première lubie historiographique venue [3] pour la seule raison qu’elle n’est pas dans “l’universitairement correct” ? Diantre non, cela serait trop beau ! Il persiste et signe récemment, notamment pour Alésia [4]. Il faut croire que pour ce numéro – et dans une certaine mesure pour celui sur Jésus – , il a compris quel doit être, selon moi, son rôle : passeur d’assiettes ou, pour être plus sympathique avec l’animateur, passer la parole aux gens qui savent. Il n’en demeure pas moins qu’on pourra regretter le choix de certains intervenants, notamment Jack Lang pour parler de Laurent le Magnifique. Certes, l’ancien ministre a écrit il y a quelques années une biographie du prince italien, mais elle est notoirement de piètre qualité.

Néanmoins, à propos de ce personnage historique – Laurent pas Jack… – on pourra noter que l’émission – le passage concerné court d’environ 27’00″ à environ 43’00″ – fait l’impasse de façon assez inouïe sur quelques détails importants. En effet, si le téléspectateur est longtemps entretenu sur la qualité de la table de Laurent et plus généralement sur l’ostentation (la “magnificence”) dont fait preuve le Florentin, c’est comme si tout cela est “hors sol”, que cela arrive aux Médicis par le simple fait de la Providence. De même, aucune interrogation n’est faite sur le coût de toutes ces réjouissances. A ce propos on lire avec intérêt le petit paragraphe d’un ouvrage réédité récemment [5]. De fait, les auteurs expliquent (p. 153) :

Laurent n’avait cependant pas les larges compétences de son grand-père [Cosme l’Ancien ndlr] ; il manifesta la même attirance pour le pouvoir personnel sans la prudence qui avait toujours guidé Cosme l’Ancien, et la même habileté diplomatique. Mais il s’intéressa médiocrement aux affaires familiales qui périclitèrent : les compagnies de Bruges, Londres, Venise furent fermées en 1478, nous avons vu menacée celle de Lyon et déjà évoqué la faillite de la compagnie en 1494.

Le principat de Laurent le Magnifique est donc également une période de grandes difficultés financières pour la compagnie Médicis. Et ce du fait de la mauvaise gestion du prince florentin, pour qui, selon Richard Goldthwaite [6], la politique passait avant la prise en compte des affaires financières. Tout cela est totalement occulté par Franck Ferrand. Est-ce parce que cela ne “collait” pas l’ambition du reportage, démontrer la “magnificence” de Laurent le Magnifique ?

En outre, l’essentiel de la trame de l’émission est très majoritairement constituée par une constellation de grands personnages, que ce soit Cosme l’Ancien, Laurent le Magnifique ou encore Jérôme Savonarole, ce qui me gêne toujours surtout lorsqu’il s’agit de dépeindre la vie d’une cité. C’est comme si cette ville n’était rien sans ses “grands hommes”.  A la fin du XIXème siècle on aurait appelé ça un point de vue tout à fait convaincant. Au XXIème siècle c’est, au mieux, une vision obsolète des événements, au pire, du passéisme historiographique.

Pour conclure, il y a donc une amélioration chez Franck Ferrand, mais peut mieux faire. En usurpant une qualité de professeur que je n’ai pas et si je devais mettre une note et une appréciation à l’ensemble, j’envisagerais 12/20 et ce commentaire : “Un élève en progrès, mais qui doit encore travailler…”


[1] “FLORENCE, LA MAGNIFIQUE”, diffusée le 8 janvier 2014 (Dernière consultation le 11 janvier 2014)

[2] Même si je doute qu’il me lise étant donné qu’il m’a bloqué…

[3] Je cite pêle-mêle le génocide vendéen, l’emplacement de la bataille d’Alésia à Chaux-des-Crotenay ou encore la relation homosexuelle entre Léonard de Vinci et son élève Salai.

[4] Ferrand F., “L’humeur du 1er décembre – Sur le sable”Site personnel de Franck Ferrand (1er décembre 2013) (Dernière consultation le 11 janvier 2014)

[5] Bennassar B. et L., 1492, un monde nouveau ?Paris, 2013 

[6] Goldhwaite R.A., “The Medici Bank and the World of Florentine Capitalism”Past and Present 114 (1987), p. 1-31.

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