[Compte-rendu] Baker et Phongpaichit, A history of Ayutthaya. Siam in the early modern world, 2017

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Une tête de Bouddha envahie par un figuier au temple de wat Mahatat à Ayutthaya. © Ahoerstemeier / Wikimedia Commons

De façon générale, un historien ou un passionné d’histoire en vacances n’est pas tout à fait un voyageur comme les autres. Outre le divertissement et la détente, ses intérêts se porteront aussi sur l’histoire et la culture du pays visité. Surtout si le pays en question – et son histoire – lui est totalement inconnu. Ce fut en tout cas mon sentiment lors d’un récent séjour touristique en Thaïlande. De fait, malgré une chaleur écrasante, je me suis rendu dans l’ancienne cité royale d’Ayutthaya. Outre des souvenirs et des photos, j’en ai ramené A history of Ayutthaya. Siam in the early modern world de Chris Baker et Pasuk Phongpaichit. A ma relative surprise, cette période (milieu du XIVème siècle – 1767) est, selon les auteurs, peu étudiée dans sa globalité, seules des recherches spécifiques sur certaines époques ou événements sont menées. Par conséquent, par ce livre, les auteurs entendent faire œuvre importante puisqu’il s’agit d’une première tentative – en langue thaï ou en anglais – d’étude globale du royaume d’Ayutthaya. Bien qu’étude pionnière, pas sûr qu’elle fasse date du fait de certains problèmes structurels.

 

Les auteurs et le livre :

 

Chris Baker et Pasuk Phongpaichit sont un couple autant dans les livres qu’à la ville. Le premier est un auteur britannique basé en Thaïlande. S’il a publié plusieurs livres traitant de l’histoire de la Thaïlande, notamment une édition annotée du poème épique Khun Chang Khun Phaen, il n’a, semble-t-il, aucune affiliation universitaire ou académique. La seconde est, quant à elle, une économiste de laChulalongkorn University de Bangkok. Outre les ouvrages historiques publiées en collaboration avec son compagnon, son oeuvre personnelle s’intéresse principalement à l’économie de la Thaïlande contemporaine.

Après une préface sur la place d’Ayutthaya dans l’histoire et l’historiographie thaïlandaise, cette History of Ayutthaya s’ouvre sur un premier chapitre en forme d’introduction générale (chapitre 1 “Before Ayutthaya”, p. 1-42). En effet, les auteurs y retracent les étapes du peuplement et du développement historique et culturel de la Thaïlande avant Ayutthaya, notamment l’arrivée du peuple Tai, l’influence d’Angkor et les échanges avec la Chine. Les pages suivantes (chapitre 2 “Ayutthaya Rising”, p. 43-84) suivent le développement d’Ayutthaya, depuis une cité-état jusqu’à un pouvoir territorial affirmé entre la deuxième moitié du XIVème siècle et la première moitié du XVIème siècle. Baker et Phongpaichit nous y entretiennent de la date officielle de fondation d’Ayutthaya en 1351 et son expansion à travers la satellisation des villes du nord de la plaine du Chao Phraya par la nomination de parents royaux comme vice-rois. Rompant un temps avec le récit chronologique, le livre discute ensuite les rapports entre guerre, société et royauté dans l’Ayutthaya entre les XVème et XVIIème siècles (chapitre 3 “An Age of Warfare”, p. 85-118). Cette période est marquée par l’arrivée des mercenaires occidentaux, notamment portugais, l’introduction d’armes à feux et l’utilisation d’éléphants de combat. Le tout dans un contexte de guerre endémique entre Ayutthaya et le royaume birman de la dynastie Taungu. Du fait de la moindre fréquence des conflits armés, le XVIIème siècle est avant tout, selon les auteurs, par une ère de “paix et commerce” (chapitre 4 “Peace and Commerce”, p. 119-172). C’est une époque d’ouverture sur le monde, notamment avec des commerçants japonais, arabes, hollandais et français. Ces derniers groupes vont parfois essayer d’influencer la politique royale en plaçant certains personnages dans la haute administration. Le XVIIème siècle voit également l’affaiblissement des vice-rois locaux et le début de troubles internes qui vont secouer la fin du royaume d’Ayutthaya. Socialement et culturellement, les années 1600 voient de nombreux bouleversements (chapitre 5 “An Urban and Commercial Society”, p. 173-210). Des évolutions qui continuent au cours du XVIIIème siècle, en parallèle des atermoiements politiques conduisant à la chute de la dynastie régnante d’Ayutthaya (chapitre 6 “Ayutthaya Falling”, p. 211-260). Enfin, History of Ayutthaya se conclut par un court chapitre en forme de conclusion traitant du premier souverain de la dynastie actuelle et le transfert progressif du centre politique d’Ayutthaya vers Bangkok (chapitre 7 “To Bangkok”, p. 261-276).

 

Critiques :

 

N’étant, ni de près ni de loin, spécialiste ou même érudit sur le sujet, il m’est assez difficile de juger la qualité factuelle intrinsèque du récit proposé par les auteurs. J’ai donc tendance à penser, à minima, que Baker et Phongpaichit déroulent un récit assez bon, les grandes étapes du royaume d’Ayutthaya étant expliquées avec assez de clarté. De fait, le lecteur peut suivre la montée en puissance du royaume aux XIVème et XVème siècles, les tensions souvent belliqueuses entre les rois d’Ayutthaya et différents rois birmans entre la deuxième moitié du XVIème et le XVIIème siècles puis un déclin suite à des dissensions internes, notamment après 1688 et jusqu’à la fin de la dynastie en 1767, le tout de façon assez claire et plaisante.

Toutefois, un élément a particulièrement retenu mon attention : la structuration du livre. En effet, a contrario du schéma classique “déroulement chronologique puis exposés thématiques”, les auteurs ont décidé d’interrompre leur narration chronologique par des chapitres thématiques. Cela donne une impression assez étrange. En effet, si certains passages, notamment sur l’armée, les mœurs ou l’organisation urbaine, sont intéressants, ils ne couvrent pas l’ensemble de l’étendue chronologique du livre. Par exemple, les pages 182 à 192 sont consacrées à la vie urbaine à Ayutthaya au XVIIème siècle. C’est la seule occurrence de cette thématique dans l’ensemble de l’ouvrage. Par conséquent le lecteur n’a pas la possibilité de pouvoir suivre les permanences des modèles anciens ou les évolutions futures. De fait, les chapitres thématiques de cette History of Ayutthaya ne font que jeter de brefs éclairages – pour ne pas dire des flashs – sur des sujets qui mériteraient des développements plus conséquents et plus étalés chronologiquement. Par ailleurs, ces chapitres plus explicatifs que narratifs viennent interrompre le récit, ce qui peut gêner le lecteur lorsque celui-ci doit reprendre le fil des événements politiques. Ces choix malencontreux aboutissent à une structure bâtarde, pas vraiment chronologique ni totalement chrono-thématique. Le fait que les deux auteurs ne soient pas historiens de formation n’y est sûrement pas pour rien. Si cela explique, cela ne saurait excuser malgré tout.

On aurait également apprécier que certains passages soient raccourcis, ces derniers frôlant parfois le hors sujet. C’est le cas, par exemple, du premier chapitre, détaillant les étapes du développement de la Thaïlande pré Ayutthaya. Tout cela est très intéressant, mais était-ce utile d’en entretenir le lecteur pendant 40 pages ? J’ai tendance à penser que non.

 

Conclusion :

 

Que retenir de cette History of Ayutthaya par Baker et Phongpaichit ? De fait, si elle a l’avantage d’être une première introduction au thème en langue occidentale, son aspect méthodologiquement désordonné et ses quelques longueurs ne sauraient en faire une somme indépassable. Il s’agit donc d’un livre pionnier, mais sans être majeur.

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