[Popularisation] Popularisation et masse des mots

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Plus le livre est épais, moins il est popularisable ? © Sunawang / Pixabay

Retrouver des amis ou autres camarades de promotion universitaire est toujours une expérience agréable, surtout lorsque ceux-ci nourrissent, par leurs remarques, ma propre réflexion sur certains sujets, notamment leur vision de mon aventure blogueuse. J’ai récemment eu l’occasion de réinterroger mon point de vue grâce à un ami de fac et archéologue de son état. Au fil d’une discussion à bâtons rompues, ce dernier m’a interpellé sur la longueur de mes articles en partant de l’opinion qu’une personne comme lui, intéressée par la matière historique, avait déjà du mal à aller au bout de mes billets du fait de leur longueur, alors une personne lambda serait sûrement encore plus ennuyée. En somme, la masse des mots pourrait être un frein à la lecture de mes écrits. Je dois également confesser être parfois affecté par le syndrome du “j’ai-pas-envie-de-lire-un-pavé-inintéressant-et-mal-écrit”.

 

Introspection sur l’écriture :

 

Cet argumentaire se tient et appelle de ma part une réflexion sur deux plans, un personnel et l’autre plus général. De fait, l’un des buts de ce blog est, entre autres, d’oeuvrer à une certaine popularisation du savoir historique, même si – il est vrai – cet aspect est moins présent ces derniers temps. Par conséquent, cette interrogation sur ma prose me force à questionner mon embryonnaire façon d’écrire.

Par ailleurs, le caractère quelque peu embrouillé de ma pensée, écrite ou orale, a toujours été, et ce dès ma scolarité obligatoire, un reproche récurrent. Je ne prétends absolument pas être un écrivain ou quelqu’un avec un “style littéraire” particulier. J’essaye simplement de rendre l’état de ma pensée de la façon la plus honnête et la plus limpide possible. Pas de manière satisfaisante, il faut le croire. J’en prends bonne note.

Que faut-il que je fasse ? Une meilleure structuration de ma pensée avant de commencer à écrire, en partant du principe, comme expliquait Boileau, que “ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et que les mots pour le dire viennent aisément” ? Une meilleure mise en forme des écrits (des paragraphes plus courts et incisifs, des phrases aux formes moins complexes ou encore des sous-titres lors d’un changement d’idée par exemple) ? Je ne saurais vraiment statuer sur cela pour l’instant. 

 

Populariser le plus possible avec le moins de mots possible ? :

 

Dans le même temps, cette réflexion autour de la popularisation et la masse des mots m’amène à une idée plus générale : une oeuvre de vulgarisation est-elle nécessairement concise ? La concision a ses vertus, notamment un moindre “ennui” du lecteur, mais aussi de faire synthèse sur des savoirs. Or, pour tenir son engagement originel, une oeuvre de vulgarisation qui se veut concise, surtout sur des thématiques vastes telles que l’histoire de France, doit nécessairement escamoter soit la complexité des faits et des enjeux soit émousser l’intensité du débat historiographique sous-jacent. Dans ce dernier cas, cela cache souvent un certain biais historiographique de la part de l’auteur. N’allez pas croire que j’accable les personnes qui s’impliquent dans des œuvres de vulgarisation. Ce sont, souvent, des personnes honnêtes qui sont face à des choix éditoriaux cornéliens. 

 

Le savoir pour tout le monde ? :

 

In fine, j’en viens à une série de questions un peu provocatrice : le devoir de la vulgarisation est-il de s’adresser à tout le monde ? Doit-on, sous l’injonction d’une obligatoire et nécessaire popularisation des savoirs historiques, simplifier plus ou moins à l’extrême les contenus qui sont destinés au “grand public” (notion plutôt floue, d’ailleurs) ? Sur ce point je rejoins l’avis de la philosophe Laura-Mai Gaveriaux concernant sa propre discipline [1] :

La philosophie, c’est compliqué. Or comme je le dis souvent : la complexité n’est pas une tare en ce monde, et si les philosophes de la biologie qui travaillent sur les théories de l’évolution et des espèces produisent des articles scientifiques que celui qui ne fait pas de philosophie de la biologie ne peut pas comprendre, hé bien tant pis. Soit cela vous passionne et vous intrigue, et vous acquérez les outils qui vous permettent d’accéder au sens de ces travaux.

Je plaide donc pour un certain “nivellement par le haut”, non par snobisme “d’universitaire”, mais par respect pour l’intelligence du lecteur. Ce dernier mérite mieux que la bouillie indigeste servie par Franck Ferrand ou Stéphane Bern à coups “d’histotainment” ou “d’histoire Voici” ! Toutefois, cela ne saurait surtout pas dispenser la communauté historienne de réfléchir sur les moyens de cette popularisation. Cela doit-il passer par un travail sur la rhétorique et un style d’écriture plus accessible ? Par de nouveaux supports de diffusion (vidéo, imprégnation dans le réel à travers des visites ou l’utilisation des réseaux sociaux [2]) ? Autant de questions qui restent pour l’instant en suspens et pour lesquelles je n’ai pas de réponses. Tout ce que je sais c’est que le cadre de réflexion ne peut être que collectif.


[1] Gaveriaux L.M., “Ma vie avec Finkielkraut”Site personnel de Laura-Maï Gaveriaux (7 novembre 2013) (Dernière consultation le 28 février 2014)

[2] Clément F., “Réinventer le manuel d’histoire à l’aide des médias sociaux”Cursus.edu (21 janvier 2014) (Dernière consultation le 28 février 2014). En cela les expériences récentes de Léon Vivien sur Facebook ou Louis Castel sur Twitter semblent prometteuses

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